poème à 5 voix

Fin de cycle 1 d’un atelier d’écriture narrative. 

Ode au partage vécu.

Galet confiture librairie, écoute le plaisir

Liberté d’exposer ses paroles de miel

Passionnée de mots de livres de poésie

L’éclair traverse mon coeur en l’illuminant

Partager encore pour continuer à nous aimer

Fragments d’ateliers (2)

LA FORÊT MAGIQUE

Trois haïkus ramenés du voyage en atelier, pour garder la sensation d’un rêve partagé.

Sombre ou profonde

lumineuse ou bien joyeuse

mémoire d’un conte

Percée dans les arbres

un rayon de lumière bleue

glisse entre les feuilles

Verte sous le soleil

rouge de magie à l’automne

brune feuille d’hiver

DES MOTS EN VRAC

Ceux qui nous séduisent, ceux qui nous choquent, ceux qui nous inquiètent, ceux qui nous grisent… Les mots parlent dans nos têtes sans y être invités, bavardage mental incessant qui essaie de nous dire quelque chose.

VRAC ne s’emploie qu’avec son acolyte « en », et ce, depuis 1606.

Pour peu qu’on tente d’en attraper un, précis, net, regroupant tout ce qu’on veut exprimer dans ses seules lettres, il nous échappe et reste en suspend, dit-on, sur le bout de la langue. J’en ai piégé un ce matin pour l’observer à la loupe, il a avoué son origine, et n’était pas fier de lui : VRAC ne s’emploie qu’avec son acolyte « en », et ce, depuis 1606. Ce prétentieux a fini par avouer qu’il vient du néerlandais wrac, ou wraec, qui signifie mal salé, mauvais!! Et ce n’est pas tout. Avant le XVIIIè siècle, il ne s’agissait que de harengs non rangés dans la caque. Alors maintenant, je vais hésiter à laisser en vrac mes idées, de peur qu’elles ne sentent un peu fort, comme du poisson pas frais!!

Fragments d’ateliers (1)

APOLOGIE DU FRAGMENT

Les fragments sont des îles. Invitation au voyage fragmentaire. Les fragments sont des gouttes de labeur distillées. Lectures parallèles, revanche du non fini, cousins germains du brouillon. Se donner le pouvoir de ne pas entrer dans la structure. Liberté de disposer de son fragment. Liberté de « mise en relation de points », sachant que la cohérence se construira ailleurs, d’elle-même, dans les creux et les pleins.

Animer un atelier d’écriture. Faire de l’écriture un bien partagé. Odette et Michel NEUMAYER. esf éditeur.

INITIALE V

Vers 18 heures, je pris un livre sur l’étagère du salon.

Veillant à m’installer confortablement, je calai mes oreillers et réglai la lumière.

Vedette hypnotisante, l’héroïne de l’histoire vagabondait dans des situations plus extraordinaires les unes que les autres.

Vint le jour suivant, voilé et nuageux.

Vive et alerte, ma voisine vint frapper à ma porte, les bras chargés de livres.

Vaguement réveillée, je lui proposai une tasse de thé et nous échangeâmes sur nos récits tristes, angoissants ou merveilleux.

Vérification faite par toutes les deux, rien ne vaut une bonne lecture nocturne.

Françoise

VERS LE BONHEUR

Des petits points

Des lignes courbes

Des creux

 Graver ce que l’on ne voit pas dans le silence de ce que l’on n’entend plus.

Une brindille d’ombre

Un fagot de neige

Une brassée d’eau

Un faisceau de cendre

 Aligner des petits points

Accompagner le tout d’un bruissement d’été au coin d’un feu

Inviter la suite n°3 pour violoncelle de Bach

Pincer les lèvres

Retrousser le nez

Cambrer les oreilles

Tracer des lignes courbes

Sur la plaque de zinc enduit de vernis

Inspirer l’incertitude

Refuser les peurs

Grappiller les lumières

Graver des creux

La matrice s’élabore

Cherche sa route

Exige l’encrage

Néelie

LE TEMPS

Le temps s’est arrêté !
Pas le temps de sentir en soi un peu plus chaque jour les signes qu’il ne s’arrête pas tant que cela, ni le temps immuable qui, comme une offrande, laisse les fleurs des cerisiers s’ouvrir puis leurs pétales se détacher un à un des corolles.
Pas ce temps là non, celui là est précieux.
Le temps s’est arrêté comme le marcheur s’arrête pour contempler et s’imprégner de l’usure des montagnes. Comme lorsqu’il cesse cette marche en avant dont le but était devenu subrepticement et inexorablement de seulement avancer.
Je suis un marcheur dérouté et heureux de l’être. Heureux de me nourrir de mes pensées et de celles des autres, heureux de réfléchir à ce que j’absorbe et de comprendre pourquoi je le fais.
C’est comme si chaque petite joie m’indiquait, discrète, câline et faite de tendresse muette, qu’elle peut être grande si je la regarde, si je comprends qu’elle est une étoile trop éloignée pour ne pas sembler timide, mais que si je m’approche suffisamment je m’apercevrai qu’elle flamboie jusqu’en moi.

Michel

UNE NOUVELLE

Poussières d’étoiles

Adèle OPPEUR

De colère autant que d’amertume, Julien retira furieusement son alliance et la jeta de toute sa rage dans le courant de l’onde qui l’engloutit dans un petit bruit d’eau discret. Désespérément discret, en contraste avec le grondement intérieur dont son âme était la proie, alternant entre chagrin, désespoir et incrédulité.

Instinctivement, Julien avait couru jusqu’à la rivière, là où le pont roman marquait l’entrée de son territoire et le lieu de leur rencontre.

Mathilde le quittait ! Après huit ans d’une vie sans histoire, où les jours s’ajoutant au compteur de son bonheur lui avaient peu à peu tissé un doux bien-être qui l’enveloppait semblant pouvoir le protéger des âpretés de la vie.

La vie à la ferme en cette fin XIXe siècle leur apportait une sécurité toute terrienne, au prix d’un dur labeur auquel il ne rechignait pas puisque cela avait un sens. La guerre de 1870 avait laissé les campagnes exsangues et les hommes épuisés.

De retour de la guerre, Julien avait puisé son courage dans la présence de Mathilde à ses côtés, chaque jour renouvelée.

Il se pencha par-dessus le parapet du pont aux sept jambages et scruta les profondeurs de l’Orne Saônoise, là où la bague était tombée. Il lui sembla apercevoir des étincelles brillantes. Elles disparurent aussitôt, dans le bouillonnement du courant, semblable au gris plombé du ciel bas qui le rejoignait au bout du champ.

Peut-être n’était-ce qu’un éclat de lumière aperçu dans l’œil étoilé d’un poisson furtif venu frôler la surface…La rivière en cette saison commençait à gonfler son débit et l’eau était troublée des alluvions qu’elle charriait…

LES BIENFAITS DES CONTES

"Le conte est un soin. Ecrire son propre conte c'est fabriquer son propre médicament, exactement adapté. "

Evelyne Plantier (Ateliers d'écriture partagés)

 

Les contes et la mythologie existent probablement depuis la nuit des temps, avant que l’écriture ne permette la transmission, dès lors qu’il s’est agi d’inventer des histoires pour transcender les peurs et les questions sans réponses.

Michèle PETIT, anthropologue et ingénieure de recherche honoraire au CNRS, donne un très bel  éclairage argumenté lors de la  conférence des rencontres nationales « Lire et faire lire », S’accorder au monde,  en 2018. Citant des témoignages de personnes à qui on a lu des histoires dans leur enfance, elle montre comment les textes entendus ou lus ont pu ouvrir une autre dimension sur le monde :

 

« Par le biais des textes qu’on leur lisait et des illustrations qu’on leur montrait, ils avaient découvert un univers parallèle, invisible, plus vaste, plus intense , et qui pourtant les ancrait plus dans le monde réel quand ils y faisaient retour.

Car écouter une langue littéraire, poétique, un peu chantante, donne aux enfants et aux adolescents la possibilité d’éprouver un bien-être particulier, une sensation d’appartenance, d’être à  sa place, de trouver lieu. Sensation momentanée, mais qui s’inscrit dans le corps et l’esprit et laisse des traces. 

C’est comme s’ils s’accordaient, au sens musical du terme, avec ce qui les entoure : non seulement la famille, les amis, les humains, mais encore le ciel, la mer, la montagne, la ville, les animaux, auxquels ils se sentent encore reliés. Partie prenante d’un ensemble, d’un tout.

Grâce à un texte, ils comprennent, non pas par le raisonnement, mais par une sorte de décryptage inconscient, que ce qui les préoccupe est le lot de tous. En fait, quand nous faisons la lecture aux enfants, quand nous leur racontons des histoires, le sens de nos gestes est peut-être avant tout celui ci :

je te présente le monde que d’autres m’ont passé et que je me suis approprié, celui que j’ai découvert, construit, aimé. 

Je te présente ce qui nous entoure et que tu regardes, surpris, me désignant du doigt un chat, une étoile, un avion. 

Je te présente le ciel en chantant « Au clair de la lune, mon ami Pierrot, j’ai perdu ma plume pour écrire un mot… » Et toute la vie, Pierrot et sa plume t’accompagneront quand tu verras la lune. 

Je te présente la mer, je chante « Bateau sur l’eau », je te lis des histoires de pirates et de Robinson. 

Je te présente la montagne, la forêt, le désert, le fleuve, à l’aide de mythe et d’œuvres d’art. 

Je te présente la ville pour que tu puisses y habiter ».