Poussières d’étoiles

Adèle OPPEUR

De colère autant que d’amertume, Julien retira furieusement son alliance et la jeta de toute sa rage dans le courant de l’onde qui l’engloutit dans un petit bruit d’eau discret. Désespérément discret, en contraste avec le grondement intérieur dont son âme était la proie, alternant entre chagrin, désespoir et incrédulité.

Instinctivement, Julien avait couru jusqu’à la rivière, là où le pont roman marquait l’entrée de son territoire et le lieu de leur rencontre.

Mathilde le quittait ! Après huit ans d’une vie sans histoire, où les jours s’ajoutant au compteur de son bonheur lui avaient peu à peu tissé un doux bien-être qui l’enveloppait semblant pouvoir le protéger des âpretés de la vie.

La vie à la ferme en cette fin XIXe siècle leur apportait une sécurité toute terrienne, au prix d’un dur labeur auquel il ne rechignait pas puisque cela avait un sens. La guerre de 1870 avait laissé les campagnes exsangues et les hommes épuisés.

De retour de la guerre, Julien avait puisé son courage dans la présence de Mathilde à ses côtés, chaque jour renouvelée.

Il se pencha par-dessus le parapet du pont aux sept jambages et scruta les profondeurs de l’Orne Saônoise, là où la bague était tombée. Il lui sembla apercevoir des étincelles brillantes. Elles disparurent aussitôt, dans le bouillonnement du courant, semblable au gris plombé du ciel bas qui le rejoignait au bout du champ.

Peut-être n’était-ce qu’un éclat de lumière aperçu dans l’œil étoilé d’un poisson furtif venu frôler la surface…La rivière en cette saison commençait à gonfler son débit et l’eau était troublée des alluvions qu’elle charriait…

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